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Le blog de Myriam Alamkan

Histoire maritime et patrimoine de la Caraïbe.

Franchir la Rivière Salée (Guadeloupe)

Franchir la Rivière Salée (Guadeloupe)

Voyageant outre-mer, (ben quoi ? cette notion va dans les deux sens ! mouahaha) je n’étais pas en Guadeloupe lors de l’inauguration du « Bus de Mer » régional qui permet désormais le franchissement de la Rivière Salée par voie maritime reprenant la suite d’autres modes de passage maritime entre les îles de Basse-Terre et de Grande-Terre.

Historiquement, la question du franchissement de la Rivière Salée s’est posée lors de la mise en valeur par les colons européens et leurs esclaves de la Grande-Terre. Cette dernière a été colonisé un peu plus tardivement que la Basse-Terre à la faveur de lutte contre les Amérindiens.

Mais d’abord il faut traverser la Rivière Salée. Son nom de « Rivière Salée » cache bien d’autres réalités, elle n’a de rivière que le nom car la Rivière Salée ne dispose pas d’embouchure, ni même de source! Géographiquement, c’est un détroit maritime naturel.

Cette nuance est bien présente dans les écris des premiers chroniqueurs historiques. Par exemple le fameux Père Labat qui a vécu dans la colonie au 18ème siècle décrit la Rivière Salée  comme un simple « canal d’eau de la mer, de près de cinquante toises de large à son embouchure. »

La Rivière-Salée était alors étroite, envahie  de mangles, parfois ensablée. On y trouve déjà des îlots, des hauts-fonds et une barrière de corail vient fermer la baie du Grand-Cul de Sac Marin. Malgré tout, la Rivière-Salée et dans son nord le Grand-Cul de Sac Marin demeure navigable et les cartes témoignent de l’existence de passes pour les bateaux pour traverser les 15 000 ha du Grand-Cul de Sac Marin. Dans sa partie sud, le Petit-Cul de Sac Marin ne pose pas de problème de navigabilité.

Carte anglaise de la Guadeloupe éditée entre 1600 et 1799, détail (collection Gallica)

Carte anglaise de la Guadeloupe éditée entre 1600 et 1799, détail (collection Gallica)

En face du modeste bourg de Baie-Mahault, la Grande-Terre est si proche… pour la valoriser, la colonie doit organiser le franchissement de la Rivière Salée.

En 1766, l’ingénieur géographe Thevenet dressa une carte du nouveau chemin de la Rivière Salée dont les travaux ont été ordonnés par le gouverneur Nolivos.

La route fut complétée par l’installation d’un système de bac implanté dans la baie du Petit-Cul de Sac, au sud de la Rivière Salée. Il remplaça l’ancienne desserte par gabare, bateau à fond plat, entre Petit-Bourg et la nouvelle ville fondée dans le sud de la Grande-Terre : Pointe-à-Pitre.

La carte ci-dessous témoigne de l'existence du bac.

Carte de la Guadeloupe et dépendances, détail  (collection Gallica) Date de création inconnue

Carte de la Guadeloupe et dépendances, détail (collection Gallica) Date de création inconnue

Les aménagements de l’accès de la Rivière Salée vont concourir au développement de Pointe-à-Pitre. Sur cette carte de 1783/1784 dressée par Nassau. Vous notez que le changement est considérable et que la ville se dote de plusieurs habitations autour de la darse parfaitement reconnaissable alors par sa structure en U qui n’est qu’esquissée sur la carte de 1766. Au nord de la Darse, s’élève la place Sartine mieux connue aujourd’hui sous le nom de la place de la Victoire.

Franchir la Rivière-Salée est si ordinaire que nul, ne semble se préoccuper du statut réel de ce bras de mer jusqu’à l’arrivée d’un nouveau type d’opérateur entre les îles : le bateau à vapeur.

Le 30 octobre 1855, le Conseil Général examine une demande de Monsieur La Rougery qui souhaite un privilège de 20 ans pour l’exploitation de la Rivière Salée par la vapeur. Sa flotte de trois bateaux à vapeur, devrait relier deux fois par jour la Pointe-à-Pitre au Port-Louis, au Canal, au Morne-à-l’Eau et à Sainte- Rose. Deux fois par semaine il ferait le trajet Pointe-à-Pitre Basse-Terre par les communes sous le vent et une fois par semaine il irait à Marie-Galante. Ils concurrenceraient ainsi le service par pirogues, dangereuses et moins rapides.

Pour la commission du Conseil Général, la Rivière Salée n’est pas un bras de mer mais une « dépendance du port de la Pointe-à-Pitre, une des issues naturelles de ce port et qui doit, aux termes de l’article 538 du Code Civil, être considéré comme dépendance du domaine public. C’est donc au gouvernement de statuer sur le privilège à accorder à M. La Rougery. Mais le Conseil Général appui la demande sous condition pour la définition des escales.

Cette démarche a-t-elle reçu l’aval du gouvernement ? Toujours est-il qu’un service de bateau à vapeur a existé. En 1896, la flotte était composée par les navires Mascotte, Pluvier et Hirondelle de la Compagnie des bateaux à vapeur de la Guadeloupe.

Certains navires à vapeurs ont  été immortalisés par des vielles cartes postales. Les vapeurs ne pouvaient pas apponter dans tous les bourgs pour charger  passagers et  marchandises, des canots faisaient la navette entre les vapeurs et la côte.

De nos jours, le service des bateaux à vapeur ont été  remplacé par deux ponts routiers mobiles. Le plus ancien rend hommage à l’ancien système de franchissement par bateau : le pont de la Gabarre. Le pont le plus récent, le pont de l’Alliance a été mis en service en 1996. Ces deux ponts permettent à plus de 100 000 voitures par jour de traverser, la Rivière Salée, le détroit le plus connu de la Guadeloupe. Il est aujourd’hui complété par les bus de mer qui permet son franchissement par sa partie sud : le Petit-Cul de Sac Marin.

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