Histoire maritime et patrimoine de la Caraïbe.
3 Mai 2025
Carte de la Guadeloupe le cartouche indique que la Guadeloupe est habitée par les Français depuis 1634 or la colonie a été fondée le 28 juin 1635
Le 26 janvier 1636, des colons français quittent leur établissement de la Pointe Allègre (actuellement, sur la commune de Sainte-Rose, Guadeloupe) avec à leur tête Charles Liénard de L’Olive pour selon le récit fait par le père Jean-Baptiste Dutertre : « se résoudre à la guerre contre les Sauvages »[1]. Depuis, le nord de l’île de Basse-Terre, ils se dirigent vers le sud de l’île à bord de leur chaloupe biscayenne. La suite des évènements survenu ce 26 janvier, va conduire à la guerre ouverte entre les colons français et la population autochtone de la Guadeloupe. Ce sont eux que les Français désigne par le mot « sauvage » ou encore « caraïbe » dans les écrits. Aujourd’hui nous les connaissons sous le nom de Kalinago.
[1] DUTERTRE, Jean-Baptiste. Histoire générale des Antilles habitées par les François. Edition Thomas Jolly, Paris. 1667. Tome 1 page 77.
Mais revenons à l’an 1636, pourquoi la situation change radicalement entre les colons et les « sauvage » ? Pour comprendre, il faut remonter à la signature du contrat de Jean du Plessis d’Ossonville et de Charles Liénard de L’Olive avec la Compagnie des îles d’Amérique et des obligations qui leur ont été faites. Dans son ouvrage « La Compagnie des îles de l’Amérique[1] », Eric Roulet résume les obligations des deux chefs d’expédition : « peupler, défendre et développer, l’île qu’ils auront choisi d’habiter ».
La Guadeloupe n’était pas leur premier choix. Selon le récit fait par le père Jean-Baptiste Du Tertre, dans son ouvrage « Histoire générale des Antilles habitées par les François[2] », l’expédition de L’Olive et du Plessis a tout d’abord mis pied à terre en Martinique le 25 juin 1635 et y ont planté une croix : Mais l’expédition trouve que la nature montagneuse et la présence de précipices et de nombreuses ravines en Martinique n’est pas favorable à l’établissement d’une colonie permanente, et ils réembarquèrent en direction de la Guadeloupe.
Ils mettent pieds à terre sur le site de la Pointe Allègre (Sainte-Rose), le 28 juin 1635. Ce fut un très mauvais choix. Le père Jean-Baptiste Du Tertre n’hésite pas à qualifier le site d’être : « …l’endroit le plus ingrat de toute l’île ».[3] Il explique que la terre y est rouge et plus propice à faire de la « brique » qu’à la culture et que malgré tout c’est là que l’expédition comptant quelque 554 personnes va devoir mettre en valeur.
Les deux chefs d’expédition vont se partager l’ensemble des effets transportés pendant leur voyage ainsi que les vivres. Mais là encore, le père Du Tertre, indique que l’expédition ne disposait que de deux mois de vivres. Ils ont négligé de prendre des plants de patate et de manioc à Barboude (Barbuda), petite colonie anglaise comme il avait été ordonné par les « seigneurs de la Compagnie ». Mais cette directive avait été ignoré par le pilote de l’expédition. Conformément à leur contrat, de L’Olive et du Plessis construisent deux forts pour assurer la défense de la nouvelle colonie. Pour de L’Olive ce sera le fort Saint-Pierre. Pour le sieur du Plessis non loin de là à côté d’une rivière s’élèvera le Petit Fort. Les deux chefs de l’expédition assurent conjointement l’autorité sur la nouvelle colonie mais du Plessis va prendre l’ascendant.
[1] ROULET, Eric. La Compagnie des îles d’Amérique 1635-1651, une entreprise coloniale au XVIIe siècle. Presses universitaires de Rennes. 2017. Page 90.
Les problèmes liés au manque de nourriture pour les colons vont marquer les premiers jours de la colonie français et entrainer une grande mortalité. Le père Dutertre signale que certains colons vont rejoindre les « Sauvages » et vivre au milieu d’eux. Pour de l’Olive, la guerre contre les Kalinagos serait une manière de s’emparer de leurs vivres mais cela est contre les souhaits de la Compagnie des îles d’Amérique et de du Plessis. De l’Olive, finira par quitter la colonie et rejoindre Saint-Christophe pour tenter de rallier à sa cause Pierre Belain d’Esnambuc, fondateur de la colonie de la Martinique, sans succès. Durant son absence, Jean du Plessis tombe malade et meurt le 5 décembre 1635. Charles Liénard de l’Olive est désormais seul gouverneur de la Guadeloupe, et il se hâte de retourner en Guadeloupe. Sans réel opposition désormais, il peut convaincre les colons de prendre les armes contre les Kalinagos. Le 26 janvier, enfin, de l’Olive décide débuter la guerre : « il commença le même jour, car ayant aperçu en mer un canot de Sauvages à une lieu du Fort, il commanda des hommes pour les aller massacrer, mais à leur arrivée ils trouvèrent qu’ils s’étaient retirés.[1] »
Lorsque Dutertre écris ces lignes il veut dire que les colons doivent aller massacrer, c’est-à-dire de tuer avec sauvagerie ceux qui ne peuvent se défendre. Car le « capitaine », c’est-à-dire le chef, Kalinago Yance fut d’abord ligoter par un petit groupe de colons mené par le gouverneur de l’Olive. Puis il fut transpercé par des poignards et des épées, jeter à l’eau et alors qu’il implorait la pitié de ses agresseurs, il fut achevé à coup d’avirons. Le massacre de Yance par les colons est d’une telle sauvagerie qu’il éclipse même le reste des exactions menées sous les ordres de l’Olive durant l’attaque du campement kalinago de Vieux-Fort. Plusieurs auteurs indiquent que l’attaque a eu lieu le 26 janvier 1636 mais tous ne sont pas d’accord sur la date de la mort de Yance ni sur la chronologie des évènements. C’est ce que nous examinerons dans la seconde partie.
[1] DUTERTRE, Jean-Baptiste. Histoire générale des Antilles habitées par les François. Edition Thomas Jolly, Paris. 1667. Tome 1 page 84.