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Le blog de Myriam Alamkan

Histoire maritime et patrimoine de la Caraïbe.

8 Mai 1902: Eruption de la Montagne Pelée (Martinique). Partie 1

8 Mai 1902: Eruption de la Montagne Pelée (Martinique). Partie 1

« Basse-Terre, le 9 mai 1902.

Habitants de la Guadeloupe !

J’ai la douleur de porter à votre connaissance la nouvelle des tragiques événements qui viennent de se dérouler à la Martinique.

L’éruption de la Montagne Pelée a pris des proportions considérables. Hier matin à huit heures une trombe de feu a incendié et détruit entièrement la ville de Saint-Pierre et plusieurs autres bourgs du Nord compris entre Le Lorrain et Le Carbet qui ne sont pas atteints. Le croiseur le Suchet, qui s’est rendu à Saint-Pierre à une heure de l’après-midi, n’a pu recueillir qu’une trentaine de personnes couvertes de brûlures et appartenant aux équipages des navires en rade qui sont tous perdus. Tout donne à supposer que le Gouverneur Mouttet et sa femme, qui s’étaient rendu à Saint-Pierre dès le mercredi soir, ont péri. M. le Secrétaire général Lhuerre a pris la direction du Gouvernement.

Le Suchet est arrivé ce matin à la Pointe-à-Pitre, en repartira ce soir avec les approvisionnements de vivres à destination de la Martinique que j’ai fait mettre à sa disposition. Je vais réunir la commission coloniale pour lui demander les secours nécessaires aux sinistrés. Une souscription publique est ouverte.

Je connais trop bien les relations d’affections, d’affaire les liens de solidarités qui unissent les deux colonies-sœurs pour ne pas être assurer de rencontrer chez, tous non seulement un concours absolu dans l’œuvre que je prescris, mais un écho à l’émotion que j’éprouve et un sentiment de sympathie profonde pour toutes les familles, tant de la Martinique que de la Guadeloupe, qui se trouvent frappées par le fléau.

M. Merlin » Sic.

Journal officiel de la Guadeloupe du samedi 10 mai 1902.

Crédit photographique: Bibliothèque du Congres (USA) :  After the volcanic eruption of Mount Pelée, Martinique, 1902: Grand Rue Victor Hugo...St. Pierre

Crédit photographique: Bibliothèque du Congres (USA) : After the volcanic eruption of Mount Pelée, Martinique, 1902: Grand Rue Victor Hugo...St. Pierre

C’est ainsi que la population de la Guadeloupe fut avertie des tragiques événements consécutifs à l’éruption de la Montagne Pelée du 8 mai 1902. Que c’est-il passé en Martinique le 8 mai ? C'est au bruit ténu des télégraphes de Martinique que nous devons les témoignages suivant. En effet, les communications sont faciles à intercepter et en ce temps d'élections législatives, des citoyens veillent à la sincérité du scrutin en espionant les communications télégraphiques:

« 13H KNIGHT à gouverneur Fort-de France

On m’informe que grand malheur vient de s’abattre sur Basse-Pointe. On dit que pont et partie du bourg détruit et beaucoup de victimes. Quelles nouvelles de St Pierre et des environs ?

Ce matin à 8 heures, une pluie assez dure de ces petites pierres s’est abattue sur Sainte-Marie, elle a duré 20 minutes, une pluie fine a succédé. Au contact de l’eau, les petites pierres se sont en partie dissoutes et ont formé sur le sol une couche de près d’un demi-centimètre. Panique apaisée.

BEC                                         

Mairie Sainte-Marie à Gouverneur

Pluie considérable de pierres ponce formant mortier a commencé icic à 8H jusqu’à 9H. Inquiétude grande, population assez calme.

DESIR JOX.

Trinité

Ce matin, vers 8 h est tombé sur Trinité une pluie de graviers et de cendre. Cette pluie a duré environ ½ heure. Panique produite par phénomène apaisée. L’épaisseur des matières accumulées sur le sol est de 5 millimètres. Sommes arrivés près St Pierre. Impossible débarquer, ville en feu. NEVEU

Prévenez L. de Foss. St Pierre en feu. Navires en rade brûlés. Impossible atterrir. Prévenez BONNAIRE. NEVEU.

Saint-Pierre brûlé ; carbet brûle maintenant ? Envoyez chercher au St-Esprit.

Saint-Pierre perdu. Fort-de-France consterné.

Secrétaire Général à KNIGHT sénateur

Vapeur RUBIS envoyé à St-Pierre n’a pu atterir. Délégué administration était à bord, affirme avoir vu la ville en feu et navires brûlant sur rade. Envoyons vapeur Carbet pour organiser secours. Procureur de la République assisté de troupes, dirige le sauvetage, gouverneur est à St Pierre. »

C'est au docteur Louis Domergue que nous devons cette collection de télégrammes. Dans le document « Souvenez-vous ! 8 mai 1902, plaquette commémorative de l’éruption de la Montagne Pelée », paru en octobre 1976, il écrivit: "L'origine des télégrammes est lié à la politique. Sans les éléctions législatives du 27 avril. Ils n'auraient jamais vu le jour. 

Le réseau téléphonique à cette époque était composé d'appareils asses primitifs. On utilisait alors un montage  un fil avec retour à la terre.

Les problèmes d'induction étaient la règle et il suffisait d'approcher un écouteur de l'oreille pour être au courant de tout ce qui se passait dans l'île. Aussi les amis des candidats CLERC et DUQUESNAY avaient organisé une équipe autour de notre appareil pour noter les incidents électoraux et les vois obtenues; ces télégrammes étaient notés au fur et à mesur sur un carnet qui est toujours en ma possession".

Louis Domergue avait 8 ans en 1902. Le matin du 5 mai, il quitta Saint-Pierre pour prendre le vapeur vers Fort-de-France. Il cite également un courrier de son père :"Je reviens de St-Pierre, écrivait mon père à ma mère le 6 Mai. Les nouvelles que tu entendras sont très exagérées, n'y crois pas. Il est en effet arrivé un grand malheur: l'engloutissement de l'usine GUERIN où ont péri Eugène, sa femme et une quinzaine de personnes. Mais St-Pierre n'a rien à craindre et la situation n'est pas mauvaise."

Collection de LAMECA (Guadeloupe)
Collection de LAMECA (Guadeloupe)

Collection de LAMECA (Guadeloupe)

Il avait tort mais Saint-Pierre avait plusieurs fois échappé au désastre. Avant la crise volcanique de 1902, la Montagne Pelée avait donné quelques signes d’alerte. Une éruption, que nous qualifierons actuellement de phréatique, avait secoué la Martinique en 1851.

Les tremblements de terre auraient été suivant le journal « L’Illustration » du 18 au 25 septembre 1851 ressentis jusqu’en Guadeloupe à plus de 100 km au nord  : « Dans la nuit du 5 août, le cratère depuis longtemps éteint de ce volcan a commencé à vomir des tourbillons de fumée avec un bruit semblable aux sourds grondements d’un tonnerre lointain. Le matin, dans un vaste rayon, les maisons, les chemins, les plantations, les navires, étaient recouverts d’une légère couche de cendres et de terres calcinées lancées par le volcan durant la nuit. Cette éruption n’a d’ailleurs occasionné aucun dommage, et c’est seulement par les traces que nous venions de mentionner, et en apercevant trois énormes colonnes de fumée qui s’élevaient le matin de la cime du mont Pelée, que beaucoup d’habitants de Saint-Pierre ont eu connaissance du phénomène qui s’était produit durant la nuit. Aucune secousse, ni tremblement de terre n’a accompagné l’éruption. Aux premiers grondements du volcan la population du Précheur, effrayée, a abandonné ses habitations et s’est dirigée vers Saint-Pierre. »

D’autres signes avant-coureurs auraient pu alerter la population de la colonie dont celui de a rupture de différents câbles sous-marins de télécommunication autour de la Martinique. A suivre.

Collection LAMECA (Guadeloupe)

Collection LAMECA (Guadeloupe)

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