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Le blog de Myriam Alamkan

Histoire maritime et patrimoine de la Caraïbe.

Chroniques de Terre de Bas: à la poterie (partie 2)

C’est à une visite à la Pool Art Fair de Pointe-à-Pitre en juin dernier que je dois de découvrir la poterie débarrassée de son écrin de verdure qui aurait fini par digérer complétement le site si le Dr Sainte-Luce ne l’avait pas acheter. Oui, je sais. C’est bizarre de faire la promotion d’un site patrimonial durant un évènement d’art contemporain…mais bon, j’ai discuté un long moment avec l’animateur et me voilà un mois après, à la poterie Fidelin.

Située à la Grand’anse, le site a été mis en valeur par l’association formée autour du docteur Sainte-Luce. L’équipe jeune et dynamique vous fait visiter le site contre une participation de 7€ et une boisson incluse !

Chroniques de Terre de Bas: à la poterie (partie 2)

Le site de la poterie montre uniquement le site industriel et le processus de fabrication des poteries. Il manque encore à comprendre le site dans la globalité du travail. Où vivaient les esclaves ? Où vivaient les propriétaires et si oui ou non vivaient-ils sur le site ? Comment sont transportées les matières premières nécessaires au travail ? Où étaient les gisements de terre et quelles sont leurs propriétés physico-chimiques ?

Le site de la poterie se limite seulement au site industriel. Vous pouvez donc visiter les différents lieux matérialisant les étapes nécessaires à la fabrication des anciennes poteries.

Chroniques de Terre de Bas: à la poterie (partie 2)

A Terre-de-Bas était fabriqué les formes à sucre et pots à mélasse. Les formes à sucre qui permettait au sucre de se cristalliser pour obtenir le sucre terré, c’est-à-dire le sucre blanc. Les cônes de sucre ont laissé leur nom à plusieurs sites dont le plus célèbre reste le Pain de Sucre de Rio de Janeiro. Aux Saintes, même, il existe un Pain de Sucre, moins célèbre, mais tout aussi intéressant à Terre de Haut. Plus curieux, alors que l’archipel de Saint-Pierre et Miquelon n’est pas producteur de sucre, il y a également un Pain de Sucre sur l’île de Saint-Pierre. La mise en valeur du site repose en grande partie sur le travail fait par Denise et Henri Parisis en archéologie industrielle ainsi que sur le travail d’Isabelle Gabriel, archéologue. Le travail des Parisis a malheureusement été écourté par le décès des deux chercheurs.

Or le travail de ces deux chercheurs laisse encore de nombreuses questions en suspens. La première est sur l’organisation spatiale de la poterie incluant les espaces d’habitations des esclaves qui y travaillaient. Pour l’instant, le site conserve uniquement la maison du contremaître.

Nous avons une poterie pour fabriquer des formes à sucre et des pots à mélasse mais pas de sucrerie à Terre de Bas. Il faut donc transporter les poteries de Terre de Bas vers d’autres sites de l’archipel guadeloupéen. La réponse parait simple : utiliser des pirogues.

Dans leur étude paru en septembre 2010, dans généalogie et histoire de la Caraïbe, Denise et Henri Parisis expliquent que : « Chaque usine de poteries disposait de pirogues pour livrer sa production, toujours à la rame et sans voiles, la gîte des voiliers entraînant une casse inadmissible des marchandises ». Or le problème de stabilité des pirogues n’est pas dû à la seule présence d’une voile mais bien à sa conception même car les pirogues ne disposent pas de quilles. Creusée dans un tronc d’arbre, la coque épouse, bien souvent, la courbure naturelle de l’arbre et cette forme n’est pas la meilleure. De plus, il faut à ces rameurs traverser le dynamique canal des Saintes. La casse des poteries devrait être diminuée par les techniques d’emballage mais quel type de conditionnement ont-ils choisi à l’époque de transporter leur production ?

Je ne pense pas que la taille modeste des embarcations décrite permettait le transport de la totalité de la production en une fois. Avec des pirogues de « 32 pieds de long sur 9 de large » soit environ 10 m de long sur 3m de large, il fallait multiplier les allers-retours pour transporter la production et augmenter d’autan le risque de casse.

Le manque de stabilité de la pirogue amérindienne était bien connu des autochtones. Plusieurs chroniqueurs ont rapporté que ces derniers chaviraient souvent et que les amérindiens qui savaient nager, à la différence des colons européens, récupéraient leurs ballots et redressaient simplement leur pirogues et remontaient dedans pour poursuivre leur traversée. Or j’imagine difficilement que les esclaves de l’époque historique aient eu la même facilité pour transporter des poteries.

Cependant, malgré les difficultés structurelles, les pirogues amérindiennes à rames et/ou à voiles, ont été utilisées longtemps dans les eaux antillaises. Imaginez-vous que un certain Antoine Melse sur la pirogue corsaire le Bout au Corps a fait plusieurs prises de bateaux ennemis durant les guerres de la Révolution française et du Premier Empire. Et la famille Melse fait partie des familles qui ont fondé la colonie des Saintes et ont habité Terre de Bas. Si il ne reste plus de Melse à Terre de Bas, vous pouvez toujours y rencontrer de fiers descendants de cette étonnante famille dont je fais partie du côté maternel. Juste à côté du quai où s’amarre les navettes maritimes, il y a une petite échoppe où mon cousin, M. Beaujour qui est aussi un descendant de la famille Melse ou son épouse, vous feront découvrir les produits artisanaux fait à partir du Bois d’Inde. Moi, je n’ai pas eu le temps d’aller visiter leur exploitation agricole et dire que certains pensent qu’il n’y a rien à faire à Terre de Bas ! Moi, j’ai manqué de temps ! Et vous ? Quand est-ce que vous viendrez découvrir Terre de Bas ?

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