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Le blog de Myriam Alamkan

Histoire maritime et patrimoine de la Caraïbe.

Un mariage à Terre-de-Haut (Guadeloupe) perturbé par une goélette anglaise ! 1745

Les actes de mariages recèlent parfois d’informations inattendues. Je vous propose de découvrir le mariage de Jean Royer et Jeanne Alette Gressant à Terre-de-Haut, archipel des Saintes, colonie de la Guadeloupe :

« Le seize août 1745 après les trois publications faites au prône de la messe paroissiale sans qu’il se soit trouvé aucun empêchement. J’ai unis du saint lien du mariage Jean Royer natif de la paroisse Sainte-Anne de Marie-Galante et habitant depuis quinze ans au vent de la Dominique, où il n’y a point de curé par conséquent il n’y a point de ban publié, mais j’ai eu vu certificats de plusieurs habitants lesquels ont déclaré ne connaître aucuns empêchements au mariage du sieur Jean Royer, fils du sieur Jean Royer et Marguerite Guesnon avec Jeanne Alette Gressant fille du sieur Alexandre Gressant et de Cécile Le mire tous habitant de cette paroisse, les bans des dits époux n’ont pas pu être publié à Marie-Galante attendu le temps fâcheux de guerre où nous sommes, les voyages ne pouvant sans danger évident d’être pris, surtout depuis quelques mois où il y a ici autour sans cesse une petite goélette anglaise à croiser, dont l’expérience ne nous fait que trop connaître qu’il n’y faut pas se fier, le marié et la mariée ont fait leurs marques ordinaires et les parents, amis et témoins ont signés.

f. Etienne religieux Carme, curé. »

 

Carte de Thomas Bowen, 1790. Bibliothèque du Congrès (Etats-Unis d'Amérique)

Carte de Thomas Bowen, 1790. Bibliothèque du Congrès (Etats-Unis d'Amérique)

Le frère Etienne unit lors de cette cérémonie deux personnes originaires de deux paroisses différentes : Sainte-Anne de Marie-Galante (actuellement commune de Saint-Louis) et la paroisse de Notre-Dame de l’Assomption, à Terre-de-Haut, archipel des Saintes.

Au moment de la célébration du mariage, la France et le Royaume Uni de Grande-Bretagne s’affrontent lors de la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748). Dans les Petites Antilles, les Anglais organisent un blocus maritime de la Martinique. Et bien que nous ne sachions pas à partir de cette minute, si la goélette anglaise évoquée par le frère Etienne était un bateau de la marine de guerre régulière ou un corsaire, toujours est-il que la guerre se matérialise ainsi lors de ce mariage.  

L’expérience évoqué par le frère Etienne, est directement issu des très nombreux conflits armés qu’a connu la colonie depuis sa fondation le 8 novembre 1635 tant par des attaques menées par les autochtones, les Kalinagos. Ce sont eux que les colons nommaient les Caraïbes. Ces attaques portent aussi sur les îles de l’archipel de Guadeloupe à mesure qu’elles sont colonisées.

Pour la colonisation des Saintes, c’est durant l’administration de Charles Houël qu’une trentaine de colons avec à leur tête le sieur Du Mé qui prennent possession de l’archipel le 18 octobre 1648.

Carte issue des collections de la BNF, via Gallica, Robert Charles, 1798

Carte issue des collections de la BNF, via Gallica, Robert Charles, 1798

Pour la colonisation des Saintes, c’est durant l’administration de Charles Houël qu’une trentaine de colons avec à leur tête le sieur Du Mé qui prennent possession de l’archipel le 18 octobre 1648. Les Saintes est un ensemble de huit îles : Terre-de-Bas, les Augustins, la Coche, le Pâté, Terre-de-haut, Redonde, Grand îlet et l’îlet à Cabrit pour une superficie totale de 12,8 km².  Le manque d’eau conduit ces colons à abandonner leurs premiers établissements et à revenir en Guadeloupe.

Une nouvelle tentative d’établissement plus durable fût conduite en 1652.  En 1664, les Saintes sont rattachées au domaine royal comme l’ensemble des îles formant la colonie de la Guadeloupe. Les colons français s’y maintiennent malgré les attaques des autochtones. Ils sont exposés aussi à quelques attaques anglaises ponctuelles. La présence de colons de façon durable dans l’archipel va conduire à la fondation de deux paroisses : Saint-Nicolas de Myre de la Terre-de-Bas et Notre-Dame de l’Assomption à Terre-de-Haut. Mais notez tout de même que le Grand îlet et l’îlet à Cabrit furent également habités durant la période coloniale. Les colons vivant aux Saintes sont généralement des habitants, c’est-à-dire des cultivateurs. Certains habitants possèdent des esclaves. La voie maritime est l’unique manière pour relier les îles entre elles et au reste de la Guadeloupe. La distance entre Terre-de-Haut et Trois-Rivières est d’environ 8,7 kilomètres. La mer aussi permet de compléter l’ordinaire et une pratique de la pêche va s’y développer tout comme la construction et la réparation navale.

Les actes paroissiaux disponibles en ligne via ANOM débutent en 1734. Nous n’aurons pas d’informations complémentaires sur l’origine de cette famille et l’occupation de la famille de la mariée : Jeanne Alette Gressant. Si vous en avez, faites nous en part. Comme je vous l’ai proposé pour les Saintes, voici quelques renseignements sur la colonisation de Marie-Galante.

Le 8 novembre 1648, un autre groupe de colons se dirige vers Marie-Galante pour fonder un nouvel établissement dans cette île de 158 km².Ils s’installent dans les environs de Vieux-Fort (actuellement inclus dans la commune de Capesterre).  Mais l’île est encore habitée par les Kalinagos. Les premiers temps de la colonisation ne furent pas faciles entre la menace des Caraïbes, puis les attaques Hollandaises (1676) puis celles des Anglais (1690 et 1691). L’île fût officiellement évacuée durant près de vingt-ans. Mais des productions y serons maintenues.  Les colons firent leur retour officiel en 1696. L’économie de Marie-Galante est à cette époque dominée par les indigoteries puis vers les années 1730, elles vont disparaître au profit du café. Lui-même sera bientôt supplanter par le coton, enfin par de la canne à sucre. La paroisse de Sainte-Anne a été créé en 1703 mais les colons habitaient les environs bien avant. Sur la carte levée par le cartographe François Blondel en 1667, vous pouvez voir les établissements de l’époque.

Rendez-vous sur Gallica pour profiter du zoom et voir la répartition des établissements français

Rendez-vous sur Gallica pour profiter du zoom et voir la répartition des établissements français

Jean Royer est né dans la paroisse de Sainte-Anne à Marie-Galante. J’ai trouvé la naissance d’un Jean-Baptiste Royer né 5 octobre 1713 du légitime mariage de Jean Royer et Marguerite Guesnon. Malheureusement, leur acte de mariage célébré en 1709 ne nous donne pas de renseignements complémentaires sur la famille Royer.  Pourquoi Jean Royer a-t-il décidé de tenter sa chance à la Dominique ? Rien dans cet acte paroissial ne permet de le dire.

Mais durant les XVIIème et XVIIIème siècle, vous pouvez lire dans les documents officiels l’intérêt pour les colons français de Guadeloupe comme de la Martinique portaient à la Dominique. Ils espéraient y obtenir des parcelles plus fertiles. Cependant, je peux vous donner quelques éléments de la colonisation de l’île de la Dominique.  Au sud de la Guadeloupe et au nord de la Martinique, cette petite île montagneuse et boisée de 751 km2 séparent deux colonies françaises.  Dans un premier temps les Caraïbes basés à la Dominique y connurent une paix relative avec les colons européens. Les Anglais revendiquèrent sa possession dès 1627, mais sans installation d’une colonie à terre.  

Collection de la Bibliothèque du Congrès

Collection de la Bibliothèque du Congrès

Les colonies françaises de Martinique et de Guadeloupe ont alterné des périodes de paix puis des conflits les opposant aux Kalinagos.  Dans une volonté de mettre fin aux attaques des autochtones, les gouverneurs français de la Guadeloupe, de la Martinique, les représentant des îles anglaises de Montserrat, Antigue, Nevis et Saint-Christophe et des « Caraïbes sauvages demeurant dans les îles Saint-Vincent, la Dominique et ceux qu’y ont ci-devant habitué l’île Martinique » signent un « traité de paix » le 31 mars 1660.  Cet accord laissait les îles de la Dominique et de Saint-Vincent aux Caraïbes. Mais dès 1690 il y eu des établissements français en Dominique, le prétexte le plus courant de leur présence est qu’ils viennent couper du bois. Officiellement, ce n’est que 1727 que la Dominique devient colonie française. Grâce à l’acte de mariage dressé par le Frère Etienne, nous savons qu’il n’y a pas de curé français à cette époque, là où vivait Jean Royer.

Le mariage célébré ce 16 aout 1745 ne fut pas très long. Le frère Etienne note le 26 août 1745 le décès du jeune marié qui fût inhumé dans le cimetière de Terre-de-Haut. Les Anglais n’attaquèrent pas Marie-Galante cette fois. Mais plus au nord, les petites colonies de Saint-Barthélemy et Saint-Martin vont les être leurs cibles.

Bibliographie disponible en ligne:

http://www.manioc.org/gsdl/collect/patrimon/archives/PAP11023.dir/PAP11023.pdf

http://www.manioc.org/gsdl/collect/patrimon/archives/PAP11024.dir/PAP11024.pdf

https://hal.univ-antilles.fr/hal-00967785/document

https://www.persee.fr/doc/rharm_0035-3299_1996_num_205_4_4601

 

 

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D
Bonjour,<br /> <br /> Il me semble que la paroisse de Sainte-Anne de Marie-Galante est Capesterre : http://www.manioc.org/gsdl/collect/patrimon/archives/PAP11023.dir/PAP11023.pdf p45, p49<br /> D'autres éléments sur l'Histoire de la Dominique : https://web.archive.org/web/20130830091704/http://www.lennoxhonychurch.com/article.cfm?Id=394<br /> Il y est mentionné les Royer.
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M
Bonjour, merci, c'est bien Capesterre de Marie-Galante, j'ai fait la correction. Merci de me lire avec attention. J'ai un autre article en préparation sur Saint-Louis d'où ma confusion. Pour le lien sur la famille Royer, j'ai bien vu que c'est le même nom de famille. Le problème c'est qu'il me faut le prouver. Peut-être qu'un autre lecteur, aura d'autres éléments.