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Le blog de Myriam Alamkan

Histoire maritime et patrimoine de la Caraïbe.

La Pointe avant Pointe-à-Pitre

En 1965, la ville de Pointe-à-Pitre a célébré le bicentenaire de sa fondation. Cependant, si cette date est la date officielle, il faut avoir à l’esprit que la zone est belle est bien habitée est mise en valeur depuis plusieurs années. Alors qu’il y avait-il sur le site de Pointe-à-Pitre, notre Lapwent (la Pointe) en créole, avant sa fondation officielle en 1765 ?

Entrée de Pointe-à-Pitre au XIXème siècle (gravure)

Entrée de Pointe-à-Pitre au XIXème siècle (gravure)

La Pointe avant Pointe-à-Pitre

La nouvelle paroisse des Abymes (vous trouverez dans les documents, son orthographe à l’époque Abimes) est fondée en 1726. Un système défense est mis en place sur l’îlet Cochon. C’est à partir de cette nouvelle paroisse que va se créer une nouvelle ville autour du Morne Renfermé, sous l’impulsion anglaise, alors maîtres de la Guadeloupe, en 1759 : la future Pointe-à-Pitre.

Voici comment, Auguste Lacour, décrit le « Morne-Renfermé » dans son livre « Histoire de la Guadeloupe », volume 1, page 286 : « au fond de ce port, sur les côtes de la Grande-Terre, étaient des terres basses, marécageuses, au milieu desquelles s’élevaient toutefois ça et là des petits monticules ; en s’avançant d’avantages on rencontrait un morne plus considérable que les autres entourés de tous côtés par la mer : on eût dit un château féodal en ruines, conservant encore ses larges fossés remplis d’eau. La position de ce morne lui avait valu le nom de Morne-Renfermé. » Le morne va être harasser pour libérer les matériaux nécessaires au comblement de la mangrove.

Les deux toponymes peuvent se lire dans cet avis de décès : « Le vingt-trois de Novembre mil sept cent soixante-quatre, j’ai inhumé dans le cimetière le corps de feu Jean-Pierre Revelle, natif de la paroisse de St Pierre azé [ ?], diocèse de Bayeux, âgé de dix-neuf ans, décédé le jour précédent au morne-renfermé, novice à bord du navire la Providence, capitaine Hebert, en rade de Pointe-à-Pitre après avoir reçu les sacrements  de pénitence et d’extrême-onction : en fois de quoi j’ai signé le présent acte le jour et an que dessus. Signé fr Michel-Ange de Coutânce… »

Il existe des cartes géographiques ou marines antérieures à 1765. Je vous propose, ici de découvrir une carte figurant dans les collections numériques de la BNF. Elle m’a été signalé par Philippe Landes qu’il en soit ici personnellement remercié.

Cette carte intitulée : « plan du port à Pidre » Charles Saurin de Murat, commanditaire date de 1741.

Intéressons-nous au cartouche : « plan du port à pidre ou fort Louis avec les basses et au passage il y a que 120 brasses de largeur au quartier des abimes à la grande terre des iles de Guadeloupe. »

Pidre ? Probablement une erreur de transcription. Le toponyme : « la pointe-à-pitre » apparaît dans de nombreux avis paroissiaux de la même année que la rédaction de la carte. Le 27 janvier 1738, le toponyme apparaît, pour la première fois, dans l’acte de baptême de Marie-Magdelaine Blanchard de la paroisse de Saint-Pierre des Abimes. Son père Claude Blanchard et sa mère Marie-Thérèse Houelche sont notés comme « habitants à la Pointe-à-Pitre ».

Aucuns des actes paroissiaux de la ville de Pointe-à-Pitre entre 1728 et 1741 parle de personnes habitants le carénage. Cependant, l’examen de la carte peut le laisser penser. En revanche, la pointe que nous connaissons actuellement sous le toponyme de Bas-du-Fort semble accueillir plusieurs petites maisons. Est-ce bien là où vivaient Claude Blanchard et sa famille ?  

C’est ce que laisse penser ce texte de Bruno Kissoun publié dans « Patrimoine de la Guadeloupe » Fondation Clément, HC éditions, dans lequel vous pouvez lire ceci : « « un premier bourg naît au pied de cet ouvrage [le fort Louis] au lieu-dit Bas-du-Fort. Il est emporté par un cyclone en 1740. Plus au nord, sur un site marécageux, au débouché d’un canal tracé par les habitants de la paroisse des Abymes, un second bourg voit le jour au lieu-dit le morne Renfermé. » (Page 358). En tout cas, la lecture des actes paroissiaux montre que la paroisse Saint Pierre et Saint Paul des « Abimes » (sic) est habitée par des blancs, des esclaves noirs, des libres de couleur et même des caraïbes. Le site est attractif. Les actes paroissiaux montrent que parmi les habitants, certains sont originaires des paroisses voisines de la Grande-Terre.

C’est très logiquement que des alliances se nouent avec des habitants de la paroisse voisine de Saint-Louis du Gosier, mais aussi de plus loin comme Morne-à-L’Eau ou la Pointe d’Antigue (actuellement Port-Louis). Des liens se tissent également avec des habitants de l’île voisine de Basse-Terre comme la paroisse de Notre-Dame du Bon Port [actuellement Petit-Bourg], ou de la ville de Basse-Terre. Des mariages sont célébrés également avec des habitants du Fort-Royal (actuellement Fort-de-France, Martinique). Son mouillage est également fréquenté par des bateaux au bornage ou transatlantiques.

Un autre site est lui aussi clairement identifié, c’est le fort Louis et ses batteries terrestres complémentaires. Actuellement le fort Louis, propriété du Conseil Départemental de Guadeloupe, est en ruines. Je ne l’ai personnellement jamais visité. Il a été bâti à toute fin du XVIIème siècle, d’abord en bois puis en maçonnerie. Rebaptisé fort L’Union en 1794, c’est sous ce nom qu’il apparaît sur les cartes modernes.

Vous pouvez également voire le site du canal des Abymes que les habitants ont creusé pour désenclaver le premier site du bourg (à quelques kilomètres de son site actuel) et favoriser le commerce avec la côte.

En 1741, la Pointe-à-Pitre était une petite bourgade avec une église Saint-Pierre et Saint-Paul, sous la protection du fort Louis avec un mouillage attractif sur le site que nous connaissons actuellement sous le nom de Bas-du-Fort.  Elle était intégrée à la paroisse des Abymes, elle-même fondée en 1726.  Cette carte marine est un beau témoignage des premières années de peuplement de la pointe.

 

Les mots entre crochet on été ajouté par mes soins et ne figurent pas dans les textes originaux.

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G
Bonjour, j'ai appris plein de choses. Avez vous la reference d'un livre sur Morne à l'Eau ?<br /> Je vous remercie. Ma mère étant de Port Louis j'ai envoyé votre texte a des parents. Mon pere et moi eant de MAL je suis impatiente de lire votre reponse a ma question. Ça fait du bien un retour aux sourceq parfois. Merci encore
Répondre
M
Bonjour, merci de vos compliments. Malheureusement je ne vous serai pas d'une grande aide, il n'y a pas d'ouvrage consacré uniquement à Morne-à-L'Eau en histoire ou patrimoine maritime. L'histoire maritime est ma spécialité mais mes ouvrages s'intéressent à l'archipel guadeloupéen ou à la Caraïbe et pas à des territoires particuliers. Désolée, mais je comprends votre frustration.